Là, l'intérieur de moi, est pensée ininterrompue, soufrière, boue épaisse, qui par de grands canaux, semble surgir du coeur, s'épandre sous la couverture osseuse de mon crâne, étouffer la pensée jusqu'à la rendre pareille à une gigantesque locomotive sensible au moindre souffle d'air, écrasant de son poids les rails en fils d'araignée, se perdant elle-même de vue à l'horizon duquel elle provient, entrainant par l'huile des mécaniques une cargaison infinie de containers aux couleurs variées.
Le monde s'effondrera. Au sommet de l'orage, du souvenir trahi s'envolera un phénix. De son sang, naîtra une colombe. La diamant noir du monde, ici, et une colombe, là.
Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.
30 septembre 2007
à 01:03
17 septembre 2007
Cela, encore
"Vaste est Cela, qui rayonne de sa propre lumière, et dont la forme inconcevable est plus subtile que l'atome. Son illumination se projette plus loin que les lointains, et pourtant Cela est tout près aux yeux de ceux qui voient. Son sanctuaire est dans le coeur de tout être vivant."
(Mundaka Upanishad)
Jésus disait :
Quand «cela» sera engendré en vous,
«cela» vous sauvera.
Si vous n'avez pas «cela»,
l'absence de «cela» vous tuera.
(Logion 70, L'évangile de Thomas)
à 16:13
30 août 2007
Nous sommes pareils à ces crapauds qui dans l'austère nuit des marais s'appellent et ne se voient pas, ployant à leur cri d'amour toute la fatalité de l'univers. (René Char, Fureur et Mystère, 129)
à 22:26
26 août 2007
Les cratères terrestres sont froids. Leur lave sirupeuse se mêle aux flots marins. Les rues sont froides. Elles marchent sur le givre. Les oeufs célestes glacés s'ouvrent, il tombe sur terre des coulées de plomb, des colonnes grises s'élancent vers les ouvertures souterraines. Le plomb, pareil à des flèches, entre dans tous les interstices du sol, ouvre des brèches, y vide le poison mortel. La terre est infectée, des vents funestes soufflent sur l'ancienne atmosphère chaude aux odeurs de sève et de sang putride.
Les dés sont lancés. Je me trompe à chaque endroit, ma marche est pointilleuse, je respecte les rythmes, mais je n'en ai aucun. Je ne vois que les lumières augmenter et redescendre méthodiquement. Toutes mes émotions sont répugnantes, elle s'échappent par les grilles de ma pensée, elles me disent sans vergogne - "tu étais à nous". Je ne fonctionne décidément qu'avec le wishful thinking, et je ne peux rien y faire. Je désire, je veux, je souhaite. Je ne peux pas agir autrement. Toutes mes tentatives sont vaines. Je suis perdu.
à 21:14
19 août 2007
A nouveau, je dois écrire. Pour pouvoir dormir un peu plus paisiblement. J'ai réellement l'impression que je reste toujours le même. Ça pourrait continuer éternellement. Je reviens toujours dans un même environnement. Internet, la musique, la nuit. L'évolution est une chose très subtile, ça ne peut pas se détecter avec un coup d'introspection, pas même avec un filet dérivant. On ne pêche que des fragments, des pensées, des morceaux de personnalités.
Je sens que mes émotions ne sont pas bien organisées. Je devrais aussi savoir que faire des sentiments les plus intenses. C'est une garderie, je surveille par moments ce qu'il se passe, je m'enfuie dès lors que les marmots accourent. Il y a des enfants terribles. Eux ne grandissent pas, ils sont toujours exactement les mêmes. Si reviens dans cette chambre, je sens à nouveau que je porte le poids d'une responsabilité qui m'incombe mais que je rejette. Ce sont des enfants que j'ai pourtant désiré, hélas, peu d'arbres donnent des fruits sur les terres de l'espoir. "Je me sens bizarre", je perçois de nombreuses sensations, celles-ci ne me changent pas. Toujours des soubresauts en surface, mais fondamentalement, j'ai toujours le même corps, et toujours ces mêmes enfants qui me regardent et attendent de moi toute mon attention. Ce ne sont pas eux qui me fascinent, mais le rapport que j'ai envers ma progéniture. Mon corps est un corps humain, mais suis-je ce corps ? J'aurais pu avoir une forme d'insecte, de forme indifférenciée, être totalement différent, peu importe. Le seul fait d'être dans ce corps d'humain, c'est... curieux. Si j'étais subitement intégré à une machine quelconque, cette même impression se répèterait. Je ne me suis donc jamais incarné, je flotte toujours au-dessus de "cette chose" que représente un "corps humain", rose-orange pâle selon les lumières qui m'entourent, avec des mains, des cheveux, des vêtements, et tout cela vit sur une structure d'os dont on perçoit rarement la dureté. Sont-ils si durs ? Autour des os de poulets, il y a des ligaments, des cartilages, ah... surtout des cartilages. Grâce à eux, je suis huilé quotidiennement, et je peux suivre mon parcours habituel dans la maison ou dans le jardin, me servir de mes mains pour écrire, me mettre en mouvement pour ouvrir et fermer les volets. Cela m'offre un ensemble de sensations que je vis nonchalamment, plongé dans de nombreuses questions intellectuelles qui se résolvent, finalement, apparaissent comme ridiculement simples. Les réponses sont si simples qu'elles heurtent les efforts de la chair. Et les sentiments... peut-être qu'ils sont des feux intérieurs de différentes teintes qui s'allument et s'éteignent selon les moments; s'ils ne sont pas étouffés, ils crient, m'irritent, me frappent. Lorsque je réagis, un autre sentiment s'exprime, et ainsi ils font la discussion, se réunissent, dialoguent, sans égards pour moi-même. La vie peut en moi, s'entretenir seule, car elle fait fi de mes consentements. Si je lui accorde quelque chose, elle n'y fera pas attention : elle est déjà à l'oeuvre. Tant pis. La question principale reste : pourquoi ai-je une forme humaine. Les détails importent peu, de même que toutes les caractéristiques de mon apparence et expression physique. J'aimerais réserver aux vies fugitives qui rôdent autour de ma conscience le même sort que ces insectes qui plongent dans l'halogène, et font "tac" en grillant, juste avant d'émettre une fumée âcre et pâle. Ainsi devraient finir mes locataires inutiles - tous ces débris à moitié vivants qui proviennent des luttes trop acharnées avec mes insupportables enfants.
Je crois que ma pensée vient de ce ballon qui se gonfle et dégonfle et qui s'appelle "intellect", qui aspire les vapeurs du dehors pour se mouvoir, une sorte de propulsion, en somme. Il a la même odeur d'usine et de caoutchouc que les chambres à air des bicyclettes usées. Maintenant, je n'ai plus d'énergie pour écrire encore, j'ai donc des "conflits exténués", qui se réveilleront à la première pluie comme les cactus dans le désert. Je terminerai en disant que je sais pourquoi je suis là dans ce corps humain, car je sais aussi bien pourquoi la vie et la conscience ou quoi que ce soit d'autre se trouve dans ces corps physiques qui pullulent partout. Je ne sais simplement pas pourquoi je sens que mes os veulent sortir par les extrémités de mes membres et les pores de ma peau.
à 03:12
13 août 2007
Où le dirai-je ? Je n'ai que cet endroit pour l'écrire. Et je vais dire ce qui me passe par la tête et ce qui est le plus critique en premier. Premièrement, donc. Je ne suis pas spécial, ni important. C'est difficile à expliquer, comme concept. Ça ne veut pas dire que l'on se prend pour un personnage important, ou que l'on se pavane et que l'on oblige tout le monde à l'admiration et le respect. C'est beaucoup plus vicieux. C'est une sorte de petite chambre dans laquelle se loge l'égo, une petite chambre "en hauteur". Les effets, sont nombreux. On construit cette chambre comme si l'on créait un nid dans sa propre connaissance. Si l'on y fait son nid, on parle depuis ce que l'on sait, mais on est coupé de toute possibilité de développement. C'est-à-dire que si l'on se repose sur des connaissances acquises à la sueur de son front, alors on s'endort dessus et on s'y arrange une place, au chaud. Ça ne veut pas dire non plus que l'on n'aura plus de point de vue critique envers sa propre connaissance, car depuis son nid, on pourra la regarder, et la changer si besoin. Ça veut plutôt dire que la connaissance est une sorte de champ qui doit toujours être labouré, et quand on est fatigué, on risque de s'endormir parmi les épis, et penser que ce qui est acquis est "ce que l'on est". Or, ce qui est acquis est simplement une "matière" qui ne peut en aucun cas représenter son vrai moi. Parmi les effets à cette sorte d'obsession particulière, il y a l'impression tenace de solitude et d'incompréhension. Parce que même si l'on a d'énormes champs de connaissances, si l'on parle depuis ceux-là, il n'y a plus de proximité entre eux et les autres personnes, qui elles, ont des champs de taille et de qualité diverses. Ce qui est extrêmement vicieux, c'est que - et je le sais - je suis humble. Mais je suis humble devant la connaissance difficile à acquérir, je suis humble devant cette tâche, devant les mystères, et devant ma faiblesse, car je suis ridicule parmi tout ce qui m'entoure, ma condition est piètre, et mes efforts pour m'en extraire me rendent simple, faible, humble. Et me dire cela me rend fort. Comme je sais cela, je m'identifie aux champs, et ces champs qui me sont chers, je me dis qu'ils m'appartiennent, et que ça me donne un avantage d'une nature substantielle, difficile à définir, qui me met en décalage par rapport aux autres. Or, je suis chair. Je suis sensation, émotion, physique. Enfant, j'avais un rapport direct avec la nature. Vraiment direct. La rosée du matin, les herbes et les insectes, et l'humidité, la brume, l'eau, le vent, tout cela était près de moi. Enfant, ainsi, dans ces conditions, la solitude ne me pesait pas trop. Puis la connaissance durement acquise m'a fait penser : je suis connaissance, et ainsi, je me suis éloigné du monde. Bien que je vis le monde lucidement, j'avais perdu la proximité. J'ai commencé à forger des programmes qui m'ont permis de maintenir ma distance - ces programmes ont "fermé" mon ouverture aux monde et aux autres, car finalement je suis identique aux autres. La "suffisance", que je ne comprenais pas, est une tactique de ce programme qui agit de façon maligne : elle m'empêche toute proximité et me retient loin, loin... et elle provoque en moi les émotions correspondantes. Par-là je veux dire qu'il y a la honte, qu'il y a aussi l'attitude qui consiste à être "sur la défensive", parce qu'évidemment, si l'on m'attaque sur la connaissance, ça ne fait rien, mais si l'on m'attaque sur ce que je suis, sur "moi", alors je protège mon nid, bec et ongles. Maintenant que je sais ça, je ne sais plus quoi dire. Tout est tombé comme un château de cartes, et comme je tend toujours à précipiter les apprentissages, j'ai "brûlé" deux jours durant, pour comprendre ce qu'il se passait en moi, pour savoir que faire de ces ruines, et j'ai finalement compris que ce que je devais garder, c'était "moi" et "ma connaissance" mais qu'il ne fallait plus que je m'identifie à cette connaissance, ni à cette sensibilité, qui m'a toujours isolé et "distingué" des autres. Comme je me suis identifié à cette distinction, je me suis pris dans mon propre piège. Les gens sont à des niveaux très différents de développement, mais de façon première, basique, primaire, nous sommes des "êtres" qui ne peuvent avoir aucun "bonus". La connaissance, la sensibilité, la compréhension, tout cela peut être catégorisé, mis sur une échelle, bref. Mais pas l'être. Un dieu ne vaut pas plus qu'un poux. De plus, si l'on stratifie et classifie les personnes selon leurs "niveaux" de connaissance ou d'expérience ou autre, ont les fait s'identifier à cela. Mais elles ne sont pas cela. Il est également vrai qu'une identification obsessionnelle empêche toute considération extérieure, et que la considération ne devient possible qu'aux personnes qui sont jugées "du même niveau". Je le savais presque, mais je n'en avais pas pris conscience de façon aussi forte. Ça semble évident, en fait. La logique du "nid" implique que pour rester dans ce nid et pour que ça soit viable à long terme, il faille sans cesse mettre son énergie dans l'entretien et l'agrandissement du nid. Et celui qui fait ça ne s'enrichit pas. Il reste horriblement lui-même, seulement lui-même, c'est un grain de sable parmi des milliards. Maintenant, je regarde où je m'étais mis. J'étais par terre dans le coton, j'étais bien content d'avoir compris des choses de plus en plus profondes et de plus en plus liées entre elles, de plus en plus cohérentes. Et pourtant il y avait une incohérence. J'ai toujours pisté les incohérences, ce sont elles qui me donnent des "indices" sur ce qu'il ne va pas, sur ce qui nécessite travail. Hélas, cette incohérence m'a fait sortir de mon nid, et m'être levé m'a demandé tellement d'effort, que sous le choc, j'ai vacillé. Je vis l'horreur, et tout est entré en confusion, et ma cervelle comme un noeud, voulait éclater sous la chaleur. Et je me suis rendu compte également que l'on ne devient jamais fou. J'ai cru pourtant, que j'allais le devenir. C'était si rapide et si foudroyant. Mais je n'ai plus peur de la folie. Maintenant, je dois réapprendre à marcher. Je n'ai plus l'habitude, ça faisait longtemps que je n'étais pas revenu à cet état originel.
Je me suis dit : j'ai de amis âgés très sincères avec moi, ils sont comme des enfants, ils sont bons. Mais moi, je n'adopte vraiment cette attitude qu'envers eux, le reste du temps ça m'échappe. Alors j'ai dû constater que c'est parce que je les considérais comme "avancés en connaissance/expérience" que je faisais cela, et que si j'étais comme eux, j'adopterais cette attitude envers tout le monde. Sinon, que vaut-elle ? Et plus j'avançais vers des degrés élevés de connaissance, plus le nombre de personnes avec lesquelles j'avais un rapport humble diminuait, car je "jugeais" les personnes qui en étaient dignes.
Un autre piège fut celui de l'absorption de connaissance. Lorsque j'en absorbais beaucoup, et que je comprenais beaucoup de choses, je devenais comme automatiquement "humble". Mais humble seulement envers l'univers et la connaissance, pas envers les êtres qui m'entourent. J'ai confondu ces deux "sensations" et quand on essayait de m'expliquer la différence, j'étais persuadé que j'étais vraiment humble envers le "vivant", alors que je ne l'étais qu'envers une connaissance "morte".
Mais je suis autre, je ne sens plus cette sorte de gène de "parler depuis ma connaissance", et pas depuis "ce que je suis vraiment". Là, comme un nouveau-né, je parle depuis "ce que je suis vraiment" sans l'enrobage de connaissances qui ne doit pas venir s'imposer entre le monde et moi. Ça doit être un allié, pas un tyran. Maintenant, je suis "frais", j'ai fini par quitter ces vieux habits poussiéreux et complexes, je me sens réconcilié. Je vais regrouper tout ce que je sais, détruire ce nid, récolter mes champs. Puis le partager à tout le monde, éviter le compte-goutte. Car ma connaissance est valide, je le sais car je l'ai vérifié, mais ma position par rapport à elle ne l'était pas. Enfin, j'ai compris ce qui n'allait pas en moi, cette sorte de dynamique service-pour-soi dans laquelle je rentrais de plus en plus et qui m'étouffait. C'est difficile d'en arriver à ce point. Quand on s'identifie à ses propres programmes, c'est par les interactions qu'on découvre cela et que l'on peut devenir soi. J'ai ce désir, et j'ai fini par découvrir ce que je ne voyais pas moi-même.
[Un peu plus tard] Je reviens sur ce post pour décrire comment le processus de "désidentification" s'est opéré : 1° - me persuader que je ne savais rien à ce que j'étudiais, ce qui m'a isolé de ma propre chère connaissance, mes propres champs. Transformer mon nid en brasier. Cela n'a pas fonctionné tout de suite, car je suis conscient de ce que je sais, et j'ai dû me défendre. Mais en me défendant... 2° - je me suis exposé au grand jour, et en miroir, j'ai pu voir ce que j'étais, où je me trouvais, dans quoi je vivais.
Finalement, c'est ce procédé que j'utilise pour "secouer" les gens quand il le faut. Et... ça a marché. Maintenant, je vais éviter d'entrer dans une nouvelle identification... peut-être que je vais m'identifier à mon humilité et à ses émotions correspondantes ? Il n'y a donc jamais de repos, jamais de stabilité... Je le savais bien. Comment ai-je pu croire, un instant, que ma connaissance me permettrait de redevenir stable ? Peut-être que cette incohérence là m'a définitivement alerté.
à 03:02