Je voudrais mettre au clair les associations d'idées qui émergent en moi comme l'écume au gré des vagues. Bien, j'ai cédé une fois encore à l'illusion - la croyance en moi - qu'il est momentanément possible d'échapper aux influences du monde par la communion. C'est vrai, c'est possible. Mais pas par n'importe quelle sorte d'union.
Car il semble clairement impossible d'exprimer d'émotion positive sans être la proie de "l'influence du monde", il faut pour cela les repousser par une union, laquelle forme une espèce de cercle protecteur presque magique. Un refuge. Lorsque deux aimants se collent, ils semblent former un système autonome.
Hélas, rien au-dehors n'est autre que fausseté, mensonge, vilenie, calcul.
De la pureté, il n'y a qu'un simulacre qui est agité comme du papier à mouche, simulacre si parfait que personne n'y résiste.
Les quelques mouches ou papillons mécaniques qui échappent aux pièges ont encore plus de chances d'être pris dans un autre piège dont ils ne connaissent la nature.
Observer l'araignée-orchidée ou les plantes carnivores est instructif.
Pour l'insecte butineur, il n'y a pas de différence entre le VRAI parfum d'une VRAIE fleur et le faux parfum d'une fleur trompeuse.
L'organe des sens les perçoit exactement de la même manière d'où justement l'efficacité du piège. Pensez aux vitres dont le reflet brise atrocement les cous des oiseaux.
La société humaine reproduit les dynamiques naturelles car les mêmes forces s'y manifestent.
Demandez-vous pourquoi, dans ce terrain pauvre qui est le notre, dans ce marécage d'hommes, qui fermente et s'étale sur des couches innombrables de chair et d'os, nous parvenons à survivre en inhalant l'odeur pestilentielle.
Quiconque doit ou bien rejeter l'horreur et la vision constante d'innombrables âmes qui se jettent dans ce tourment pour s'y disloquer, ou bien, accepter cet état des choses et se mettre, soi-même, à mentir, à tromper, à pervertir, à corrompre, à découper les esprits pour s'en réserver les meilleurs morceaux.
Manipulation de jour comme manipulation de nuit, manipulation toujours et encore, rien ni personne n'y échappe. Chacun porte le sceau de l'horreur quelque part en soi, et trouve les plus fantaisistes des justifications.
Comment faire la moindre chose, le moindre geste, le moindre pas, et prendre la moindre décision, qui pourrait d'une façon ou d'une autre, perpétrer l'évidente horreur de la situation ? Comment est-ce possible que tout continue ?
Il faut se rendre à l'évidence, cela implique de façon certaine la participation à l'horreur de chacun d'entre nous.
Sans cette participation implicite, passive, il n'y aurait d'horreur.
Il suffirait de quelques individus conscients, qui à l'unisson porteraient leurs forces dans un Non définitif pour que tout s'arrête.
Or, ce n'est pas le cas, et derrière tout masque il y a un criminel, un assassin, un bourreau, un monstre, une créature avide et sanguinaire.
Il n'y a d'autre solution que de rester ou partir.
Se retirer minutieusement du papier gluant maudit, progressivement détacher ses points d'appui, et s'envoler.
Nous ne pourrions espérer de décollage sans le rejet décisif de toutes les charges qui nous retiennent à la terre, sans la scission de tous les fils de la toile malfaisante.
Et ce, sans jamais ne donner l'impression de se libérer, sans quoi l'attention de l'araignée serait immédiatement captée.
Partir dans la nuit, silencieusement, pour des adieux définitifs.
La plus grande attention est demandée, une attention totale, qui voit le plus clairement le spectre de la mort qui recouvre toute lumière. Car toute lumière est ici fausse et illusoire.
Le signal retentit et chacun sait ce qu'il doit impérativement exécuter. Mettre ses affaires en ordre et s'en aller, avant le levé du soleil. La liberté et l'âme sont une richesse si immense que toutes nos idées, et tout ce qui nous constitue, de l'atome jusqu'aux galaxies, ne peuvent faire pencher la balance à leur avantage.
Rien ne peut rivaliser avec l'âme, rien ne peut égaler la liberté.
Le signal a retenti. Il faut partir ou mourir. Ensemble, chacun de son côté, dans une coordination silencieuse, en un battement d'ailes, nous partons. Plus jamais nous n'accepterons l'horreur.
Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.
18 avril 2010
Horreur de la situation
à 22:45