D'un coup tout me semblait si réel, si extérieur à moi. Cette forme, cette couleur, cette structure, étendue, tout cela que jamais je n'avais perçu ni connu. Tout cela extérieurement étranger, depuis un temps très, très "long".
Je regarde autour de moi ce monde comme je regarde d'anciennes photographies, comme si nous n'avions rien en commun.
Qu'est-ce qui a pu me faire croire l'inverse ?
La répétition ? L'habitude ? La fausse familiarité ? L'extinction énigmatique d'une psyché volatile ?
L'identification forcenée, mortelle et insipide à un "rôle" prédéterminé par des données et idéaux illusoires recueillis parmi les fumiers et les pourritures d'une grandiosité hésitante entre le sublime et le simiesque ?
En voyant que cette main n'est pas la mienne, tout en étant indivisiblement propre à l'expression corporelle d'une force percevante et formatrice, j'existe et je ravive ce qui s'en allait dans la brume de l'indistinction.
Reclus dans le faux, plongé dans le faux, ensemencé par les graines du faux qui en moi éclosent; prisonnier du faux qui m'aveugle comme quelque chose qui, recouvert d'une épaisseur de terre, attend de percer à la lumière, je vois, je sens, je goûte, j'entend, je touche .... du faux et rien que du faux. Faux j'absorbe et faux je suis.
Mon âme, que puis-je faire, si j'aime le faux ?
Que peux-tu faire sinon t'éloigner et attendre ? et me quitter, comme déjà tu m'as quitté ?
Mon âme, toi, vivante dans le vrai, qui dans chaque nouveau pas effectué par ton ombre, voit le poison, que peux-tu faire sinon patienter ?
Te percevoir, cristalline et unique, parfaite et reflétant le monde entier en miniature -- halo de flux versicolores, essence des ombres -- disais-je, est au-delà de mes capacités.