Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.

23 décembre 2005

Vos valeurs me sont indigestes.

La vie m'est indigeste.
Mon seul plaisir vient du cynisme.
Ou de l'oubli.
Je marque des pauses. Entre chaque phrase, chaque idée, chaque geste.
Puis une longue pause.
Ce sont des troubles.
Au fur et à mesure, s'accumule de la vase en moi. Mais cette accumulation est excessive, et plus je vis, plus j'accumule, et plus j'accumule, moins il y a d'espace vital. Ainsi malgré l'inexorable sort, malgré le contrôle difficile que j'ai sur mes gestes et sur me mouvements de vie, la vase continue à s'entasser, je continue à remuer quelque peu, mais la vie m'apporte si peu d'eau, et la mienne devient de plus en plus trouble, il devient de plus en plus difficile de se mouvoir en celle-ci. Bientôt, il n'y aura plus que de la vase - et rien d'autre.
Si je remontais à la source des troubles, voilà ce que je dirais:
Toutes les valeurs sont détestables, premierement, l'art.
L'art est doublement corrompu par l'homme.
Ce qui donne à l'art cette force inexprimable, c'est justement le fait que l'art soit étranger à l'homme. Ainsi il semble être une issue de secours à la vie, une voie vers un ailleurs. C'est l'idéal des artistes, et c'est aussi pour cela que l'art paraît être salutaire. Mais je vous le dis, l'art n'a rien d'un salut. Il est, à la rigueur, un éphémère soutien. Il peut satisfaire certains hommes parce que ceux-ci peuvent s'en contenter.

Si l'art est étranger à l'homme c'est parce qu'il n'est entendu par celui-ci que par les petites oreilles humaines, adaptées à la seule petitesse de la poussière d'art que connait l'homme.
C'est cela que je veux dire, l'art chez l'homme est poussière, parce que l'homme ne peut connaître de choses plus hautes. C'est ainsi.
L'art pour l'homme est tel un maigre ruisseau entierement pollué par ce même être, mais l'art dans sa réalité est aussi vaste que la mer.

L'art est doublement corrompu.

(i) Car le Beau, sa substance, glorifiée par l'homme, émerge d'un milieu qui, par ce même homme, est dégénéré, n'est plus sain, n'est plus « vierge ».
L'homme ayant vicié cedit milieu, l'art de celui-ci sera fatalement insane. Lorsque quelque chose est en train de pourrir et qu'à partir de cette pourriture, l'on créé, quel crédit apporter à l'art qui en émerge, cet art du malaise ? Et tout art n'est-il pas art du malaise ? Voyez, quelles sont, par exemple, les peintures qui naissent dans une pureté indemne de quelque pourriture humaine ? En existe-t-il ? Peu m'importe la profondeur douteuse des peintres les moins fous parmi les fous, elle ne révèle que la déchéance de toute chose.

(ii) L'art copie et/ou déforme la nature par une perception subjective. Mais l'atmosphère de telle oeuvre qui génère chez nous une certaine émotion est souvent une émotion qui dans sa réalité première est décuplée... je préfère mille fois le motif que sa défiguration par l'homme, par le biais de l'art.
J'eus, il y a quelque temps, l'idée que l'art qui advient de l'imaginaire pur est le seul de valable.
Or je me trompais, car l'imaginaire est également vicié, l'imaginaire étant une espèce de miroir onirique, il reflète également une part de malaise.
Mais surtout, l'imaginaire est cette fleur qui apparaît miraculeusement sur un champ de ruines. Cette fleur ayant ses racines dans les ruines, est logiquement viciée.

L'homme ne devrait pas avoir besoin de rêves, il aurait dû construire le rêve et y vivre. Or il a échoué, plus que lamentablement. Car il n'y a pas de rêve unique envisageable à cause de la vile condition humaine. Cette impossibilité est aussi une condamnation. Et maintenant il ne peut plus construire, il git sur ses propres ruines. Dans le meilleur des cas, l'homme voudra balayer toutes ces ruines pour bien reconstruire, mais je ne vois que de petites et instables constructions, qui de jour en jour agrandissent la quantitée de ruines déjà présentes, aussi il ne saurait comment bien reconstruire.

Je crois à la condamnation de l'homme.
Les rêves de chacun étant terriblement faibles et bas, et l'homme étant programmé à générer ces rêves faibles et bas, comment pourrait-il s'améliorer ?
De plus, l'homme a constitué tout un système de valeurs faibles et basses, et il vit au dedans de ce système. Il est par sa constitution, condamné à vivre dans ce système. Les individus ayant des rêves forts et hauts sont inévitablement broyées par les valeurs originalement présentes.

En ce qui concerne l'art, l'exemple du cinéma est flagrant. Le cinéma peut-être dramatique, alors, il est typiquement art du malaise, il peut aussi être de science-fiction ou rongé par des idéaux faibles et bas, mais là, de même, il est art du malaise. Je ne vois d'intérêt à sublimer le malaise pour en créer quelque chose d'artistique, puisque cette création est simplement et uniquement le constat de la situation dans laquelle est l'homme.

Aussi l'homme est fondamentalement animal. Il est conditionné pour la Reproduction, tel que je l'ai précédemment expliqué. Ainsi je n'ai aucun doute sur le fait que ce présent texte découle de la Reproduction, même s'il paraît détaché de celle-ci, parce qu'il a subit une longue déviance intellectuelle. Je suis persuadé qu'un homme vivant dans un milieu de tous points de vue parfait ne développerait jamais quelconque faculté mentale.

Auparavant, l'intellect semblait être salutaire, mais désormais dans la société actuelle, de plus en plus, le rêve semble constituer le salut, si bien que nous en arrivons à une société qui s'accroche en vain aux idéaux et aux rêves. Les individus ayant un intellect développé étaient, dans le début de l'histoire évolutive de l'homme, favorisés et reproductifs, désormais, l'individu met son intellect au service de la société et n'acquiert pas pour autant de réelle supériorité reproductive. La société a désindividualisé l'individu, et c'est pourquoi aujourd'hui nous prenons conscience du retour de l'individualisation. L'homme est tiraillé entre une vie sociale obligatoire pour des fins reproductrices, ainsi qu'une vie individuelle également obligatoire pour les mêmes raisons. Ces deux vies tiraillent l'homme, ces deux vies sont intimement liées et ne peuvent exister par elles-mêmes, le bonheur est toujours cru dans l'une d'entre elles, si bien qu'aucune n'est satisfaisante, et si bien que l'homme est condamné à l'errance.

Je vous le réaffirme: l'oubli est le seul salut qui soit véritable.

Le spirituel est finalement si éloignée de l'homme qu'il est condamné a ne jamais l'atteindre. Puisse-t-il seulement s'en approcher !

Et s'il n'y a ainsi d'intérêt à introduire le spirituel chez les hommes, il n'y a donc aucun sens à ma propre existence. Je suis le sacrifié de la constatation.


- à Paris