Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.

5 septembre 2005

Intervention des types psychologiques dans les problèmes de couple

Source: http://www.1001nuits.org/index.php?title=Mod%C3%A8le:Types_psychologiques


Dans son ouvrage Les types psychologiques, Jung définit trois grandes paires de caractéristiques de la psyché humaine, caractéristiques qu’il fonde à la fois sur sa pratique de la psychanalyse mais aussi sur une étude assez poussée de la différenciation psychologique au cours des différentes époques pré et post-chrétiennes. Ces caractéristiques se divisent en deux ensembles : les types d’un côté et les fonctions de l’autre.

Les types psychologiques en quelques mots

Les types psychologiques de Jung sont au nombre de deux : introversion et extraversion. Ces deux notions ne sont pas à entendre tout à fait au sens où ces termes sont entrés dans le langage courant. En effet, ces types psychologiques ont une composante énergétique très forte : l’extraverti prend son énergie principalement du monde, tandis que l’introverti prend son énergie principalement de lui-même. Il en résulte une tendance pour l’introverti à être plutôt renfermé et distant, précautionneux, et une tendance pour l’extraverti à être expansif, liant et parfois superficiel. On notera toutefois qu’il se trouve assez fréquemment des extravertis contrariés agissant comme des introvertis et des introvertis contrariés tentant d’agir comme des extravertis. Ces « contrariétés » sont souvent des sources de dissociation névrotique, d’une distance prise entre l’habitude une chose et la réalité du soi, mais tel n’est pas le propos de cet article.

Notons que ces types ne sont que des dominantes et que chacun d’entre nous possède une inclinaison plus ou moins prononcée vers l’un ou l’autre de ces types. En effet, on ne peut pas être des deux types à la fois même si certaines personnes sortent, à l’occasion de tests psychologiques, comme relativement équilibrées par rapport aux types (dominante très légère pour l’un des deux types). On a coutume de symboliser l’introverti par un “I” tandis que l’on symbolise l’extraverti par un “E”.

Les fonctions psychologiques en quelques mots

Les fonctions psychologiques sont au nombre de quatre :
- la pensée (sous-entendu l’intellect),
- le sentiment (sous entendu les affects),
- la sensation (sous-entendu notre faculté à nous placer dans et à percevoir le présent),
- l’intuition (ou faculté d’envisager l’avenir).

Ces quatre fonctions vont aussi par paire, mais d’une manière moins claire que pour les types. En effet, chaque être humain a des facultés plus ou moins développées dans les quatre fonctions psychologiques, qui sont nécessaires à son fonctionnement quotidien. Néanmoins, certaines dominantes dans des domaines s’accompagnent d’une moindre utilisation d’une autre fonction, exhibant ainsi les couples fonctionnels : pensée/sentiment et sensation/intuition.

Si une personne a une tendance naturelle à approcher les choses au travers de son intellect, le côté sentimental passera souvent mécaniquement au second plan, et vice-versa.

Le cas des personnes intuitives est aussi intéressant car ces personnes ont souvent tendance à aborder les problèmes de la vie en tentant de trouver une solution à long terme alors qu’ils auront du mal à percevoir le problème immédiat. A l’inverse, les « perceptifs » (ceux dont l’appréhension du monde est plutôt basée sur la sensation) auront eux plus de mal à envisager des olutions qui ne répondent pas à un problème se posant dans le présent.

On reprendra la notation anglo-saxonne des fonctions afin de donner au lecteur des moyens de continuer une éventuelle investigation sur les types psychologiques sur le net en gardant la même vocabulaire :
- la pensée : “T” pour Think,
- le sentiment : “F” pour Feeling,
- la sensation : “S” pour Sensation,
- l’intuition : “N” pour iNtuition.

La vision de Myers et Briggs

Myers et Briggs sont deux psychanalystes junguiennes qui ont ajouté une dimension d’organisation par rapport aux travaux originaux de Jung. Cette dimension juge la capacité d’organisation de la personne et son aptitude à respecter les lois. Ainsi, une personne ordonnée sera dénommée Judge (J) et une non ordonnée plus intuitive matériellement sera dénommée Perceiving (P) [1]. Cette dimension supplémentaire est quelque peu ambiguë dans la mesure où elle peut être plus acquise qu’elle n’est innée et peut relever plus d’un inconscient collectif social que d’un trait de personnalité propre.

Huit types de psychés

Cependant, nous nous limiterons aux trois couples de caractéristiques définis par Jung dans le cadre de cet article même si le couple défini par Myers and Briggs pourrait éclairer des situations par exemple de couples de nationalité différente. Il est clair que passer sous silence cet indicateur illustre pour nous la volonté de se concentrer sur les problèmes de couples liés aux personnalités des protagonistes, et non sur leur aptitude à gérer ou pas un quotidien matériel [2]. Ainsi, avec les deux types et les quatre fonctions, on obtient un ensemble de huit combinaisons de « dominantes » :
- INT : introverti intuitif intellectuel,
- INF : introverti intuitif affectif,
- IST : introverti sensitif intellectuel,
- ISF : introverti sensitif affectif,
- ENT : extraverti intuitif intellectuel,
- ENF : extraverti intuitif affectif,
- EST : extraverti sensitif intellectuel,
- ESF : extraverti sensitif affectif.

Il est bien entendu assez dérangeant de voir ainsi ses dominantes psychologiques pouvoir être placées au sein de l’une des huit boîtes que voilà [3].

Néanmoins, l’aspect positif majeur d’une telle classification est de ne pas juger de la psychologie des personnes mais de reconnaître que cette dernière existe et est différente le cas échéant de la sienne. C’est donc à une véritable leçon sur la différence et sur la tolérance à laquelle nous convie Jung, sachant que pour lui, cette classification ne fait état que de dominantes de fonctionnement et ne vise pas à être un modèle de représentation complet de la psyché, ni de la singularité des individus [4].

Pour aborder les problèmes de couple de manière exhaustive [5], il faudrait donc étudier les trente-six cas résultant de la combinaison de deux psychologies prises parmi les huit décrites ci-dessus.











Figure 1 : les trente-six combinaisons de la psychologie du couple.

Au sein de ces trente six cas, les cas en gras (ceux de la diagonale), sont des cas un peu particulier dans lesquels les personnalités des deux membres du couple tendent, psychologiquement, vers les mêmes dominantes. Hormis des cas de psychopathologie [6], on pourra donc dire que ce genre de couple est, théoriquement, celui qui a le plus de chances de percevoir le monde de la même façon, soit, si les types psychologiques ont une répartition statistique équiprobable (ce qui reste entièrement à démontrer), une couple sur trente-six.

Si l’hypothèse selon laquelle les dominantes psychologiques des individus peuvent être équi-réparties sur la population sur les huit types psychologiques est raisonnable dans l’absolu (encore une fois, cette hypothèse ne fait l’objet d’aucuns travaux), le fait que les trente-six sortes de couples soient équi-répartis au niveau statistiques (soit une proportion de représentation de chaque type de couple à un peu moins de 2.8%) est peu probable [7].

Typologie des conflits

L’occurrence en effet de certains couples peut être moins probable que d’autres en raison de leur stabilité. Ainsi, certains couples forment des assemblages instables. On pourra noter que les couples qui ont des types psychologiques opposés sont soumis fréquemment à des problèmes de compréhension voir d’appréhension commune du monde.

Le premier type de conflit auquel on pense naturellement, mais aussi le type le plus difficile à résoudre pour un couple situé devant cet état de faits est le conflit introverti versus extraverti. Ce dernier, ainsi que les conflits impliquant des personnes du même type, est aggravé par les autres facteurs psychologiques dans le cas où ces derniers sont de dominante opposée, comme nous allons le voir. Nous distinguerons deux modes de conflits entre personnes du couple :
- le conflit usuel (conflit qui ne remet pas en cause le couple lui-même),
- le conflit grave, qui peut remettre en cause le couple mais aussi qui se situe souvent dans des conditions psychologiques extrêmes des acteurs (fatigue nerveuse et/ou physique extrême notamment.

Dans le cas du conflit grave, les fonctions psychiques dominantes vont souvent avoir tendance à s’inhiber au profit des fonctions psychiques appareillées. Ainsi, l’intellectuel aura tendance à devenir sentimental et vice versa et la fonction intuitive se verra replacer de manière provisoire par la fonction factuelle (sensibilité au présent).

Divergence de perception du monde

Par ailleurs, nous prendrons pour hypothèse que la fonction psychique intuition/sensibilité au présent (état d’être sensitif [8]) intervient dans les prémisses du conflit et non dans le conflit lui-même. Ainsi, nous envisagerons que ces fonctions révèlent la situation conflictuelle avant que le conflit ne naisse au travers des structures suivantes :
- intuition : impression diffuse qu’un fonctionnement du couple ne peut durer à long terme et met en péril le couple lui-même,
- sensibilité : impression que le quotidien dans les termes actuels du couple ne peut être comme il est.

L’approche est somme toute différente dans la mesure où l’intuitif cherchera une solution sur le long terme tandis que le sensitif aura besoin d’une solution immédiate. La solution du sensitif pour l’intuitif sera vue comme une solution construite sur des détails tandis que le sensitif aura du mal à saisir l’abstraction proposée par l’intuitif en termes de solutions.

Cette différence d’approche peut constituer un des cœurs des problèmes de perception entre les personnes du même couple. Lors du conflit, c’est la mise en scène de problèmes tournant autour de questions dont certaines sont liées à ces divergences de représentation qui nous occuperont.

L’hypothèse que nous faisons d’exclure provisoirement cette fonction du conflit et de la limiter aux prémisses est que la discussion d’une telle divergence est relativement stérile, donc que le conflit s’envenimera autour de points relatifs à la perception du monde si d’autres facteurs interviennent. Car rapidement, les interlocuteurs s’aperçoivent de leur différence de point de vue et de leurs attentes différentes. Cette divergence s’illustre d’abord par une incompréhension qui peut être levée si chacun des protagonistes envisage l’autre comme différent. Si néanmoins, il envisage l’autre comme identique à lui-même ou comme devant réagir conformément à ses attentes (pour des principes moraux, ou des comportements conformes à certains archétypes inconscients), l’état projectif de sa psyché sur l’autre l’empêche de saisir la différence fondamentale, condamnant d’une certaine façon l’issue du conflit.

Ces hétérogénéités de perception du monde requièrent :
- soit d’une personne qu’elle s’adapte à l’autre (en général l’intuitif s’adapte au sensitif car le contraire est souvent très difficile),
- soit les deux personnes acceptent leur différence,
- soit c’est le constat d’échec.

Cela conforte le fait que des discussions conflictuelles autour de ces problèmes de perception du monde sont intéressantes plus par les mécanismes conflictuels qu’elles mettent en jeu de manière générale, plus que par le sens d’un tel conflit dont l’issue dépend souvent de l’état d’ouverture d’esprit des deux personnes, de leur maîtrise de leurs états projectifs et, le cas échéant, de leurs états névrotiques.

Cela dit, nous pouvons reprendre le tableau ci-dessus et le simplifier provisoirement [9] en le tableau suivant, après suppression de la fonction N/S :

IT IF ET EF
IT 1 - - -
IF 2 5 - -
ET 3 6 8 -
EF 4 7 9 10


Figure 2 : les dix combinaisons conflictuelles dans la psychologie du couple.

Conflits de même type

Dans les cas 1, 5, 8 et 10, la façon de raisonner ainsi que la façon d’être au niveau énergétique est homogène. Cette homogénéité ne prévient pas des conflits (en particulier de ceux issus d’une appréhension différente de la réalité), mais ces derniers ne possèdent pas structurellement de prédispositions à l’aggravation.

Le seul danger que court ce type de couple est finalement l’ennui, dans la mesure où la façon de voir le monde est si proche que la routine peut s’installer très vite et donc que les discussions peuvent même tourner court tant chacun des protagonistes peut avoir l’impression de tourner en circuit fermé.

Dans les cas 2 et 9 en revanche, lorsque le conflit naît, s’il s’illustre par un mode de discours homogène à la fois en émission et en réception (introverti ou extraverti), le problème se situera dans l’affrontement d’une logique affective contre une logique intellectuelle. Ce genre de conflits est souvent assez bénin s’il n’est pas appuyé par une antinomie N/S non appréciée comme différence du couple. Structurellement, ce genre de conflits ne porte pas non plus en lui de potentiel d’aggravation, excepté dans la cas où la non résolution d’une antinomie N/S serait due à une pathologie de la psyché (névrose, dissociation, complexe, etc.).

Conflits de type opposé

L’introversion et l’extraversion sont les deux types, qui s’ils sont présents respectivement chez les deux membres du couple, sont une cause d’incompréhension continuelle en termes de comportements et de façons d’être, notamment durant les conflits. En cas de conflit à forte composante affective (comme c’est le cas des conflits de couple), l’extraverti aura tendance à beaucoup parler, à réfléchir tout haut, voire même à mettre l’introverti en position de faiblesse en posant des questions à brûle pourpoint ou en le saturant d’informations. L’introverti obtera généralement pour une position de repli silencieux, voire un blocage complet. L’extraverti prend souvent ce blocage comme un affront, comme une volonté de ne pas parler voire comme du mépris. L’introverti dans ce même cas prend l’extraversion excessive de l’extraverti (ton agressif, grands gestes, etc.) comme une agression et une tentative d’écrasement de sa personnalité. Dans ce cas ce type de conflit peut être vécu comme une injustice profonde.

Pour les couples introverti/extravertis se pose la question d’accepter le comportement de l’autre et dans les deux cas de faire un pas vers l’autre en respectant sa façon d’être. Ainsi l’introverti devra parfois se faire violence et parler un peu plus, même si l’état de ses pensées est pour lui inabouti (ce qui est sans importance pour l’extraverti en attente de paroles) et l’extraverti devra parfois faire silence ou donner des messages plus clairs et plus concis à l’introverti. Sans ces concessions, et dans le cas d’une non acceptation de la différence de l’autre (jugement moral, position archétypale, complexe, névrose, etc.), le couple est structurellement en péril, ce qui signifie que la résolution d’un conflit même provisoire ne peut être considérée comme une façon de garantir que des conflits de ce même type ne se reproduisent pas.

Le risque structurel est aussi, pour ce genre de couples, d’un autre nature. En effet, lors d’une incompréhension de l’autre et de sa façon d’être doublée d’une non acceptation de sa différence, à la fois l’introverti et l’extraverti peuvent développer des sentiments de frustrations très importants. Pour compenser ou faciliter leur vie de couple au quotidien, il se peut qu’ils entrent (et dans cet état, aucun type ne semble particulièrement privilégié) en phase dépressive. Notons que cette dépression est souvent la faute d’une conjonction de faits :
- constat d’incompréhension fondamental avec le partenaire,
- non volonté personnelle de reconnaître la différence de l’autre (ce qui se traduit souvent par une accusation explicite envers l’autre de ne pas se comporter comme soi-même, ou autrement dit « normalement »).

Que cet état dépressif arrive sur un terrain dépressif ou névrotique et la situation devient vite explosive voire peut développer des tendances violentes ou suicidaires. Le péril est donc grand dans ce genre de cas de différences de types [10].

Influence de la fonction intuitif/sensitif dans les couples introverti/extraverti

Dans les conflits de couples de types opposés, le problème de la dissociation des visions N/S que nous évoquions précédemment est un facteur aggravant tout à fait majeur. Il donne lieu à deux combinaisons : EN avec IS ou ES avec IN.

Dans le premier cas, l’extraverti ouvert sur le monde a une appréhension très intuitive du monde avec une capacité à se projeter facilement dans l’avenir et une capacité à en parler alors que l’introverti sensitif aura tendance à se tourner vers lui-même ainsi que les choses qui le préoccupent ici et maintenant. Cette configuration est très explosive car la différence de psyché est absolument fondamentale entre les deux protagonistes. Le risque de conflit est donc fort car la perception quotidienne des choses est fondamentalement différente.

Dans le cas où l’extraverti est sensitif, ce dernier aura une tendance à user de son énergie sur le monde présent qui l’entoure et donc à organiser une certain réalité présente. L’introverti intuitif aura lui des risques pour se perdre dans ses pensées et pour ne pas voir la réalité telle qu’elle se présente et ne pas l’exprimer. Là aussi, la situation est très explosive, l’introverti étant fondamentalement dans un monde qui n’est pas celui de son partenaire. Le risque de conflit est donc tout aussi important que dans le cas précédent.

Etudes des cas de la figure 2

Commençons par le cas où la même fonction T/F (intellect ou affectif) est dominante pour les deux protagonistes. Nous sommes dans les cas 3 et 7, respectivement un couple IT/ET et EF/IF. Les remarques que nous avons dit en général sur les différences de typologie psychiques entre extraverti et introverti, à quoi s’ajoutent les différences de perception du monde expliquées ci avant, s’appliquent dans ce genre de cas. Le fait que, en cas de conflit, les deux protagonistes puissent user soit d’un raisonnement intellectuel (T) soit d’un raisonnement affectif (E) crée l’opportunité d’un langage commun, malgré les autres différences. Que ce langage commun s’ajoute à une façon commune de percevoir le monde et seuls les types extraversion/introversion sont différents au sein du couple, ce qui est gérable, comme nous l’avons vu.

La disparition du « discours du conflit »

Dans les cas où les fonctions intellect et affectif sont opposées, l’approche du conflit devient très difficile structurellement pour la bonne et simple raison que le langage du conflit est lui-même source de conflit.

Rappelons-nous que nous avons volontairement isolé les types E/I (extraverti/introverti) et la fonction T/F (intellect/affectif). Car ce conflit illustre s’illustre par un discours du conflit composé de ces deux caractéristiques. Si elles sont toutes deux en opposition, alors le discours lui-même du conflit, dont le but est de résoudre le conflit, devient conflictuel, c’est-à-dire qu’il apporte des éléments nouveaux de conflit au sein du couple.

Ainsi l’extraverti intellectuel (ET) tentera souvent d’expliquer de manière rationnelle les fautes et responsabilités de chacun. L’introverti affectif (IF et donc nous nous plaçons dans le cas 6 de la figure 2) ne gardera probablement que des « formules » du débit de l’extraverti (morceaux de son discours) qui heurtent sa sensibilité affective et ne tiendra pas compte des raisonnements développés par l’extraverti. L’alchimie d’un discours intellectuel trop abondant versus une fermeture sur des éléments affectifs incomplets (mots prononcés par l’extraverti mais sortis de leur contexte et interprétés de façon affective par l’introverti donc en tant qu’erreurs pour l’extraverti) implique une aggravation du conflit. De facto, dans cette configuration, le discours du conflit est menacé structurellement.

Si l’on examine le cas numéro 4, l’extraverti affectif aura tendance à tenter de toucher la partie affective de son partenaire qui trouvera des formules réfléchies assassines à donner en pâture aux épanchements verbaux de l’extraverti. La scène peut aussi dans ce cas montrer une absence totale de discours, l’introverti étant face à un être irrationnel et volubile et l’extraverti voyant en face de lui un être froid et méprisant où l’amour n’existe pas.

Que l’on rajoute à ces deux configurations une propension à voir le monde de manière différente et nous entrons dans un couple pour lequel l’énergie passée à tenter de construire le couple est souvent source des conflits du couple et se transforme en une énergie pour soigner le couple, très souvent provocatrice de nouveaux conflits.

Synthèse

En reprenant la table de la figure 2, nous pouvons tenter (en étant conscients de la difficulté de la chose) de donner un facteur structurel de risque à chaque configuration de couple avec les notions suivantes [11] :
- risque normal,
- risque d’ennui,
- risque fort de conflit,
- risque très fort (disparition du langage du conflit),
- “*” : risque de forte aggravation due à dominantes N/S différentes.

Nous obtenons la figure 3 :

IT IF ET EF IT 1. ennui - - - IF 2.normal 5.ennui - - ET 3. fort* 6.très fort* 8.ennui - EF 4.très fort* 7.fort* 9.normal 10.ennui


Figure 3 : Risques structurels liés à la psychologie du couple.

Le cas des divorces

L’exemple suivant est à prendre avec précaution, tout comme l’étude que nous venons de proposer, en raison du fait que nous ne prétendons pas tout élucider avec les types psychologiques mais que cette étude propose une grille de lecture à orientation scientifique sur un sujet délicat.

Selon un sondage, les principales causes de divorce sont en France :

  1. l’infidélité,
  2. la routine,
  3. les disputes,
  4. la jalousie,
  5. le travail,
  6. le sexe [12].

L’infidélité est une raison morale que nous rapprocherons de la raison d’insatisfaction sexuelle ainsi que de la routine. Nous classifierons ces raisons dans une classe générale nommée “ennui”. Les disputes sont pour nous des traits plutôt caractéristiques des psychologies différentes de type “fort” et “très fort” dans la figure 3. La jalousie est des une des circonstances aggravantes de toute situation de couple. Le travail quant à lui ne peut entrer simplement dans notre modèle.

La liste précédente devient à la lumière de la figue 3 :

  1. l’ennui : types 1, 5, 8 et 10 ;
  2. les disputes : types 3, 4, 6 et7 ;
  3. la jalousie : circonstance psychologique aggravante ;
  4. le travail : indéterminé dans notre modèle.

Attention une fois encore. L’objectif de cette nouvelle liste n’est pas de dire que nous avons tout expliquer sur le divorce, mais que certains risques structurels de la psychologie du couple peuvent se voir dans les cas de divorce.

Conclusion

Dans cette approche basée sur les types de Jung, nous avons tenté de mettre en exergue le fait que des couples puissent avoir plus de dispositions psychologiques structurelles pour entrer en état de conflit. Dans l’étude très rapide que nous venons de mener, et qui mériterait à elle seule un ouvrage, nous avons tenté de travailler sur des couples qui se situaient hors pathologie psychique, tout en notant que ces pathologies étaient, bien entendu, néfastes à la stabilité du couple lui-même (bénignes comme malignes bien que plus facilement gérables).

Le but de cette étude était donc de tenter de décrire de manière scientifique suivant un modèle qui nous vient du psychanalyste suisse Carl Gustav Jung, et donc de parler du couple et des conflits sans y voir absolument les avatars suivants :
- un jugement moral sur le fait que des couples se séparent,
- un jugement sexiste, voire un jugement sexuel [13],
- des images archétypales des conflits du couple.

Au contraire, cette étude vise à montrer que les conflits du couple sont souvent légitimes et normaux et que tous les couples n’ont pas à faire face aux mêmes types de conflits. Dès lors, on réalisera qu’il est bien aisé de donner des conseils à des gens dont la psychologie est différente de la nôtre et dont le partenaire a une psychologie différente de celle du nôtre.

L’amour, en effet, touche de manière assez aléatoire des personnes pour que les couples aient à faire face à des éléments conflictuels dépendant de la nature psychique des deux protagonistes. La plupart de ces risques structurels (risques qui, comme leur nom l’indique, peuvent ne pas s’illustrer dans tous les cas) sont gérables avec de l’ouverture et un peu de bonne volonté sauf dans des cas précis d’opposition pure et simple de profils psychologiques (notamment les cas suivants : ENT avec ISF, EST avec INF, ENF avec IST, ESF avec INT), cas dans lesquels le couple doit traverser de graves périodes de troubles avant de pouvoir se stabiliser le cas échéant [14].

On pourrait se demander pourquoi mener une telle étude et pourquoi abstraire à ce point des choses qui concernent des humains en conflit. Je pense qu’il est souvent nécessaire de prendre conscience des choses pour mieux les vivre. Et comme écrivait Jung dans L’Archétype de la mère :

C’est ce but que recherche toute la nature, et elle le trouve dans l’homme et seulement dans l’homme le plus conscient. Chaque pas infime en avant sur le chemin de la réalisation de la conscience est créateur de monde. [15]

[1] Ces deux psychanalystes ont inventé un test très réputé qui s’utilise un cadre très précis et qui est d’une justesse assez remarquable. Ce test est payant et peut être utilisé dans de nombreux domaines, notamment dans le cadre des rapports en entreprise (ce test est interdit d’emploi durant les entretiens d’embauche par l’éthique d’utilisation définie par Myers et Briggs).

[2] Ironiquement, cette dimension semble souvent plus importante dans les pays anglo-saxons que dans les pays latins.

[3] Le test de Myers and Briggs en construit seize ce qui n’est pas tellement mieux.

[4] Cf. psychanalyse et morale.

[5] Attention, cette exhaustivité est relative à notre modèle.

[6] Voir l’amour fusionnel, par exemple.

[7] A noter que l’on peut aussi supposer que la psychologie de l’individu privilégie certaines dominantes, ce qui complexifierait le modèle de manière importante.

[8] On aurait envie d’utiliser le néologisme « sensitivité ».

[9] L’étude complète serait à faire.

[10] Attention néanmoins à la schématisation hâtive. Il est clair que des couples ayant rigoureusement le même profil psychologique peuvent très bien finir dans des états suicidaires, si l’un des deux a développé une névrose particulière. Il ne s’agit là que d’évoquer de grandes tendances structurelles et non des règles absolues de ce genre de couple ni de comportements qui seraient réservés à des couples d’un certain type.

[11] Il faut préciser que ce facteur s’établit de manière purement conjecturale et dans le cadre seul de ce que nous avons expliqué.

[12] Source Sofres pour Le Nouvel Observateur

[13] En effet, l’étude ne porte pas en elle la supposition que le couple soit formé d’un homme et d’une femme.

[14] Ces cas peuvent paraître rares dans la mesure où un trait pathologique de l’un des deux membres du couple est souvent révélé par les situations de conflit avant progression des problèmes.

[15] In Les racines de la conscience, C. G. Jung, Buchet/Chastel 1971.