Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour plus noir plus triste que les nuits;
Quand la terre est changée en cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafons pourris;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond des nos cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
-Et de long corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,
Vainci, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incilné plante son drapeau noir.
Charles Baudelaire
Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.
15 mars 2006
LXXVIII SPLEEN - Baudelaire
à 20:24