Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.

12 mars 2006

Malheur, excès et langage, espoir, paradoxe, et premiers battements de l'irréalité

Les chaînes du malheur ne s'enlacent qu'à distance.

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Il y a une certaine conséquence propre à l'excès: la dévalorisation du langage. Les mots les plus communs perdent leur essence intérieure pure, jusqu'à devenir comme fantoches désarticulés - des objets. Un abus prolongé et prononcé du langage conduit inéluctablement à sa destructuration et désanimation. Cela vaut pour toute chose.
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Il ne peut y subsister d'espoir si le temps n'existe plus. Croire, espérer, révèle une faiblesse de l'esprit qui attend toujours malgré qu'il sache l'exacte inanité de l'attente temporelle. De ce fait, l'esprit méprise et maîtrise le temps, mais comme il recherche encore quelque chose, il se retourne contre lui-même et se dédaigne - car il a tué le temps, mais il est agenouillé devant lui, attendant qu'il en sorte quelque mélodie mortelle ou autre chant de cygne. Les principales constantes du réel humain (temps, espace, etc) sont sujettes à ce double moment de l'être. Ce dernier s'exaspère du peu d'attention et du véritable désintérêt que manifeste, très paisiblement, ces constantes à son égard. Désespéré, il finit par assassiner tout cela - or, en réalité, c'est la partie active de lui-même qui émet son dernier souffle, c'est la partie qui analysait le réel, parce que les constantes sont humaines et seulement humaines, de sorte que c'est la partie qui interagissait avec le "monde" qui meurt.
C'est à cause de ceci que l'être se voit soudainement éloigné et même retiré de l'emprise qu'il pensait avoir sur le "réel". En somme: l'être veut se défaire des constantes (temps, espace, etc) parce qu'il aperçoit sa vraie nature, qui est intemporelle, inspatiale, et en dehors de toutes ces limitations qui proviennent de l'analyse du réel par le biais du corps. Cependant, il connaît encore l'espérance, et l'espérance ne peut exister sans le temps: le temps à donc trouvé un autre moyen d'action, car il ne pouvait plus résider là où l'être le reniait. Répugné par ses espérances, comprenant qu'il n'est pas réalisé et qu'il dépend de cela, l'être se retourne contre lui, et il tue à la fois constantes et effets des constantes. Or, en faisant cela, il a tué l'interface qui lui permettait d'interagir avec le réel: l'être donc, n'existe plus dans le réel, et repose entièrement sur sa propre nature. S'il n'est pas assez fort pour le supporter, il essayera de retourner vers le monde, en vain: il n'y a plus de lieu de passage et d'interaction possible. S'il succombe, c'est la folie.
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La vie s'ouvre et se referme sur elle-même. Mais lorsque nous la fermons consciemment, c'est que nous voulons que la prochaine fois que nous l'ouvrirons, elle donnera à voir un monde qui soit convenable. L'homme s'adapte: si le monde ne lui convient plus, c'est qu'il espérait mieux en se basant sur ses anciens repères, sur ce qu'il a vécu précédemment, mais au fur et à mesure de sa marche il se rend compte que ce sont les espoirs qu'il avait anéanti qui reviennent le hanter. Il pensait, en tuant le premier espoir, que les autres lui suffiraient, mais bientôt il se trouve dépourvu de ses vieux habits et autres illusions protectrices.